Laboratoire des pratiques d’art performance en immersion au Mali. Les Praticables 2021. Du 6 au 12 décembre à Bamako.
Intervenants : Androa Eric Mindre, Delphine Gatinois, Zora Snake
Avec Salif Zongo, Sylvie, Jesu et Didier.
Après deux années acharnées de travail, sortie de laboratoire des pratiques d’art performance en immersion mis en place par les Praticables, la compagnie Kumasô et Lamine Diarra ici même à Bamako.

Aujourd’hui, nous sommes là pour porter haut la création dans l’espace public, nous sommes là pour ouvrir notre pratique au Mali, à Bamako, nous sommes là pour soutenir nos projets artistiques pour un développement local et Territorial commun.
La performance artistique au service d’une société civile et civique doit tout faire pour maintenir le rêve possible en Afrique francophone et devenir un patrimoine inévitable pour toute génération. Oui, c’est possible de construire ici, d’interpeller et de dialoguer comme le cas aujourd’hui dans certains pays du Sud.
L’acte de performer dans un espace inattendu où l’artiste avait pour consigne de déplacer le sens usuel du lieu et le détourner pour le rendre artistiquement vivant, devient un geste politique fort-contact-direct avec nos populations qui deviennent elles-mêmes des intervenants.
La société en elle-même est un ensemble de danseur où chaque individu est chorégraphe de son propre acte, où tout artiste a le droit et la liberté de faire serpenter son imaginaire à l’intérieur de cette vaste scénographie visuelle et plastique provenant du mouvement social, avant de concevoir une étoffe artistique qui fait bouger les murs. Ici, c’est possible.
Avec deux projets retenus et suivis durant l’année 2021 auxquels des personnes volontaires se sont soudainement joints durant l’atelier. Comme notre métier le dit : « Tu veux faire ? Viens. »
« ils viennent raconter leur voyage ici, aux Praticables. Juste par la force des images qu’ils composent avec leurs corps – engagés, souffrants, magnifiques«




(C) Kounandi.
Que nos expériences de vie élaborées ensemble traversent l’univers et ne cessent de réinterroger qui nous sommes. Donnons leur un sens constructif de nos futurs liens sociaux.
En renforcement, nous avons travaillé avec les femmes de tout le quartier Bamako Coura, nos mamans qui soutiennent le projet les praticables avec en tête Lamine Diarra, amoureux des pratiques artistiques, fou du théâtre dans les cours familiales.
Merci aux mamans qui nous ont accompagné durant notre procession performative en guise de bénédiction aux âmes tombés et de trois jours de deuil national durant laquelle nous avons transformé l’inattendu. Ceci grâce aux éléments hérités de nos aïeux, transformés dans l’espace public créant de l’apaisement dans les cœurs des enfants, des jeunes et des parents.
Duo – performance et réalisation : Androa Mindre (Congo Kinshasa) et Zora Snake (Cameroun).




(C) Delphine Gatinois et Daouda Keita
Chroniques d’un festival.
D’étranges êtres humains surgissent actuellement de manière inattendue, vous surprenant au coin d’une rue du quartier de Bamako-coura. Au bord du goudron, un jeune homme ébouriffé, au lourd collier formé par deux pneus de voiture, pieds nus, énumère à voix forte et sans relâche, face à un miroir, ce qu’il a vu au bord des routes. Une femme ployant sous un énorme sac rempli de chaussures arrivant du lointain marche, harassée et déterminée, vers un autre horizon. Elle nous regarde. Nous provoque. On ne dit rien. Elle continue son chemin. Un homme couché immobile sur une planche maintenue entre deux chaises subit des vicissitudes : on parsème son visage et son torse de poussière, on vient racler son corps avec les dents d’un râteau rouillé, on lui pose ce qui pourrait ressembler à une grosse pomme de palmier hérissée de pointes de bois sur le ventre, on vient tordre une plaque de métal pour faire résonner à ses oreilles le tonnerre d’une déflagration… Il ne bouge pas. À côté de lui un autre, jambes en l’air, tourne indéfiniment comme une toupie lente autour de sa tête vissée dans un casque… Ce ne sont pas des créatures venues d’ailleurs, mais nos sœurs et nos frères qui ont traversé les misères du monde. Et ils viennent raconter leur voyage ici, aux Praticables, mais sans discours. Juste par la force des images qu’ils composent avec leurs corps – engagés, souffrants, magnifiques. Ce sont les performances issues du laboratoire encadré, animé, énergisé par le congolais Erick Androa Mindre Kolo et le camerounais Zora Snake. La femme portant les chaussures sur son chemin de poussière, c’est Sylvie, qui a réellement effectué le voyage à pied d’Abidjan à Bamako au moment de la guerre civile dans son pays. Sa performance s’appelle La marche infernale. L’homme de la planche, à qui Snake demandera de se lever et de plonger la tête dans un seau rempli d’eau et de s’y ébrouer jusqu’à ce qu’il soit vide, c’est le migrant coincé sur une étroite couchette, fuyant le fracas de la guerre et traversant déserts, fleuves et mers. Une des performances s’appelle Liberté, mais la plupart pourraient porter ce titre, tant les contraintes qu’on s’inflige deviennent, pour l’artiste lui-même, travaillant sur lui-même, les outils de sa libération. Au-delà du symbole qu’il représente, au-delà du message dont il est porteur, le sens est alors l’artiste lui-même. Il est saisi dans le processus de transformation de la vie, faite le plus souvent de poussière et de boue, de merde et de sang, en une forme dont la beauté et la vérité sont indémêlables – une œuvre d’art, dont la matière est le corps de l’être humain, dans sa présence misérable et grandiose, dans l’expression qu’il offre de toute la condition humaine. Snake m’apprend que l’homme de la planche était il y a peu un spectateur d’une performance à Bamako. Impressionné, il a voulu tenter l’expérience. Et Snake lui a répondu, comme à chaque fois en la même circonstance : « Si tu veux faire, viens. » Ce sera pour aujourd’hui notre devise des Praticables.
Stichting DOEN #CooperationsuisseauMali African Culture Fund – ACF L’Union européenne au Mali Ambassade de France au Mali INSTITUT FRANÇAIS LE FIL Coopérative malienne d’artistes Tebere Arts Foundation Festival Dream City Acampa Culture Projes Mali #lespraticables
CP: Kani Sissoko